Saint-Denis, lundi 9 octobre. Gonzague, Laure et Willemine (de gauche à droite), font fleurir de superbes fresques en forme d’animaux, réalisées à partir de mousse végétale. D.R.
Leur silhouette se dessine sur les murs du centre-ville, au détour d’une rue ou sur la façade d’un immeuble. Le passant peut y croiser une pieuvre, un cheval, un robot, un lion. Ces étranges créatures en mousse végétale interpellent les habitants, qui détournent le regard et se prennent d’affection pour ces nouveaux voisins, sortis de l’imaginaire de trois artistes urbains de Saint-Denis.
« Tout est parti d’un projet de quartier pour transformer les rues Gibault et Emile Connoy. On s’est dit qu’on voulait faire quelque chose avec de la mousse végétale », se souvient Willemine, une jeune céramiste de 37 ans. « On souhaitait ramener de la nature en ville, d’où l’idée des animaux », ajoute Laure. Cette illustratrice pour les livres jeunesse est hébergée à la résidence d’artistes du 6B, tout comme Gonzague, le troisième larron du collectif Freemousse à l’origine du projet. Leur démarche se veut totalement libre et spontanée. Pas d’autorisation de la ville. Aucune concertation avec les riverains. Les murs et les formes d’animaux sont choisis au gré de leur inspiration. Un petit renfoncement en forme de cadre dans le béton ?
« Ça nous a fait penser à un aquarium, on a dessiné une pieuvre ! », glisse Gonzague, le graphiste urbain de la bande. Une fois l’esquisse réalisée à la craie, la mousse récupérée en forêt de Montmorency (Val-d’Oise) est collée sur les murs. Les œuvres « s’inscrivent dans le quartier, les gens nous remercient et nous encouragent », apprécie Willemine. Sept fresques parsèment le centre-ville autour de la basilique. « Les habitants perçoivent ça comme un cadeau, à la fois beau et rigolo, qui améliore leur quotidien. » « Les gens prennent même l’initiative de les arroser, ils en prennent soin », complète Laure. Signe du succès, les artistes reçoivent de nombreux gestes de sympathie, « de la petite mamie au dealeur du coin », comme aime le dire Laure. « Les voisins de la soucoupe volante étaient tellement ravis qu’ils nous ont invités à prendre le goûter chez eux. Ils nous ont donné une charrette, c’est devenu notre mousse mobile », sourit Willemine.
Devant un tel succès, Freemousse a décidé de produire une nouvelle création chaque dimanche. « Si on avait les moyens, j’aimerais faire le pignon d’un immeuble entier en montant sur une nacelle. A terme, on pense à se rapprocher d’un botaniste pour que la mousse vive plus longtemps et que les créations soient pérennes », se projette Laure. Quelle sera désormais la prochaine créature de Saint-Denis ? « Je pense à un chameau », lance Gonzague. Laure le contredit aussitôt. « Moi je verrais bien une girafe ! »
LP/R.C.
La chasse au trésor fait rage sur la page Facebook de la ville de Saint-Denis, où les internautes postent leurs nouvelles trouvailles en mousse végétale : « Jolie rencontre au petit matin. Inattendue, poétique », écrit Nathalie avec la photo du lion. « J’ai vu le cerf, mais pas les autres ! Ça donne envie d’explorer ! », répond Nathalie. Dans les rues de Saint Denis, les habitants sont aussi ravis de voir ces nouvelles créations sur les murs de leur ville. Jérôme, qui se balade avec son fils, s’arrête devant la soucoupe volante. « J’aime la démarche d’investir les murs, c’est assez souple car ça reste éphémère. Ça donne de la vie et la mousse permet de végétaliser la ville. C’est génial ! », salue le père de famille, qui pense avoir repéré les sept fresques présentes dans le centre-ville. « Mais j’en ai peut-être loupé une ! » admet-il.
Claudine n’avait en revanche jamais remarqué ces œuvres urbaines. Le cheval à côté de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur la fascine. « C’est très joli, vraiment très beau. Ça habille les murs, c’est à la fois reposant et agréable à regarder », glisse-t-elle en fixant la fresque.
Quant à Nicolas, un autre père de famille, il loue l’embellissement de la ville par ces fresques murales. « Elles amènent de la gaîté, car Saint-Denis, comme Paris, est assez gris. J’ai toujours aimé les tags et les graffitis, la couleur sur les façades, tant que ce n’est pas fait de manière trop sauvage ». Et lance même l’idée d’un mur dédié « à l’écriture de messages populaires ».
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